Canicule, sécheresse, réchauffement climatique... le vin 2019 sera-t-il bon

Les viticulteurs n'ont pas, comme de nombreux exploitants agricoles, été épargnés par les vagues de chaleur estivale. Mais, du fait de l'importante chaleur cet été, et de la sécheresse, le qualité du vin peut-elle être affectée?
L’été a été chaud, très chaud, sur l’ensemble du territoire français. A plusieurs reprises en l’espace de quelques semaines seulement, l’Hexagone a été touché par deux violentes vagues de chaleur, qui ont parfois atteint les 46 degrés localement. Une situation climatique problématique pour l’agriculture, en particulier après un hiver sec, synonyme de sécheresse et de perte de rendement pour plusieurs exploitants.

Et le domaine viticole ne semble pas non plus épargné. Au point d’inquiéter les producteurs qui, après avoir subi de plein fouet la drastique restriction d’eau qui a touché 73 départements de France métropolitaine, craignent pour la qualité de la cuvée 2019…

Pas de changement fondamental?
Pourtant, selon Olivier Thienot, créateur et président de l’Ecole du Vin de France, il ne faut pas s’alarmer outre-mesure. Interrogé par BFMTV.com, ce dernier explique en effet que "les épisodes ont été moins longs que ceux de la canicule de 2003, et que cela ne changera pas fondamentalement la qualité du vin."

Une vision qui n’est pas partagée par Alain Rogier, œnologue et propriétaire de la Cave de Roquebrun dans l’Hérault, qui quant à lui détaille qu’en raison des conditions climatiques, les "vignes sont bloquées à la maturité" et que la situation reste "inquiétante" car "il n’y a pas d’arrivées d’eau" prévues.

"Une pluie débloquerait tout, même 20 à 25 litres, ce qui est infime, ce serait un coup de magie. Si cela reste comme ça, la récolte sera compliquée car les grains seront petits, il y aura plus de casse et moins de masse. On se demande comment les vignes tiennent, les feuilles commencent à tomber, mais d’ici trois semaines (date de début des vendanges, ndlr), il peut se passer beaucoup de choses", poursuit-il.

2003 comme mètre étalon
En guise de comparaison, il est possible de se référer à l’année 2003, dont la canicule et ses effets sur le vin ont été étudiés par des équipes de l'INRA et de l'INRA-ENSAM. Si les résultats de ces travaux, qui ont été repris par le site Futura-Sciences, confirment que la qualité du raisin est altérée en raison du blocage du métabolisme des grains, c’est la sécheresse de la terre qui a provoqué les plus gros dégâts.

Ainsi, le millésime de cette année 2003 est ici qualifié "d’atypique." En ce qui concerne les vendanges tardives, les vins sont définis comme riches et colorés mais, à l’inverse, les premières récoltes ont donné ce vin déséquilibré défini par Alain Rogier: un breuvage plutôt acide en raison de la maturité précoce des grappes.

En réalité, l’altération possible de la qualité doit dépendre de la région d’origine du vin. Si Futura-Sciences souligne que les vignes méditerranées n’ont que très peu été concernées par l’épisode caniculaire de 2003, ce n’est pas le cas pour le Beaujolais par exemple, où les vendanges avaient été avancées au 15 août.

L'impact du réchauffement climatique
Si l’effet direct de la canicule reste sujet à discussion, celui du réchauffement climatique ne fait pas débat pour Olivier Thienot, qui souligne de son côté que des températures plus chaudes au fil des années modifient en profondeur les arômes du vin, ces derniers devenant "plus acides, plus alcoolisés, avec plus de corps."

En ce qui concerne les vins rouges par exemple, en raison des fruits plus noirs, les breuvages sont plus alcoolisés. "C’est un problème pour la Vallée du Rhône par exemple, où les vins sont plus dans la puissance, le réchauffement y est un véritable problème."

A tel point qu’en Provence, haut lieu de la production de vin rosé, les viticulteurs ont dû se plier aux caprices du climat. "Un gros travail a été fait, ils ont été malins et se sont organisés en récoltant de nuit ou en créant des outils anti-chaleur. Grâce à ces outils, ils parviennent à garder des vins fruités, d’une grande minéralité."

Pour le vin blanc en revanche, ces derniers se gardent moins bien, en particulier les "vins de Bourgogne", prévient-il encore.

Incidence sur la consommation?
S’il peut sembler encore trop tôt pour estimer si la production de bouteilles sera plus élevée que celle de l’an passé ou non, à la question d’une possible augmentation du prix du vin, Alain Rogier assure que cela dépendra de la quantité récoltée.

"Il faut que le viticulteur trouve son équilibre, mais aussi celui des consommateurs et de leur pouvoir d’achat. S’il y a 50% de bouteilles en moins, nous n’allons pas augmenter les prix de 50%, cela ferait monter le vin en gamme. On en est encore loin, mais il pourrait y avoir un impact s’il y avait une grosse catastrophe sur l’ensemble du vignoble", souligne Alain Rogier.

Enfin, le vin réalisé via des grappes de raisins récoltées durant une période caniculaire pourrait se heurter à un problème de conservation. "Il risque d’évoluer plus rapidement, de prendre un arôme confit, mais aussi de souffrir de "problèmes d’assèchement de bouchon", conclut Olivier Thienot.

Les premières vendanges devraient débuter dans les jours à venir et se prolonger jusqu’à la fin septembre.